Le dossier web | Printemps 2010
« 66% des Français se disent insuffisamment informés sur toutes les questions se rapportant à l’eau » (Source : baromètre Sofres / C.I Eau 2009). En Eure-et-Loir, qu'en est-il ? Nappe de Beauce, nitrates, pesticides, CIPAN... sont autant de notions associées à la gestion départementale de cette ressource. En écho à l'exposition « Eaux » du Compa, ce dossier web explore le thème de « L'eau en Eure-et-Loir... du captage au robinet ». Une lecture synthétique pour répondre aux questions qui touchent le quotidien des Euréliens et pour mieux appréhender les enjeux locaux que représente cet élément...
Qu'est-ce qui, en Eure-et-Loir :
• est désigné comme le « château d'eau » du département,
• alimente près d'1 million d'habitants en eau potable,
• et s'étend sur environ ¼ du territoire (22,50%)?
Vous « séchez »? Alors voici quelques indices supplémentaires :
• elle équivaut à 18 fois le volume du lac d'Annecy (20 milliards de m3),
• dans un contexte géographique plus large, elle s'étend sur 10 000 km2 et intéresse six départements (Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret, Seine-et-Marne, Yvelines et Essonne),
• enfin, depuis les années 1990, elle fait l'objet d'une attention toute particulière des acteurs locaux et institutionnels.
Sans aucun doute, vous l'avez deviné. Il s'agit de la nappe de Beauce. Star des informations locales, surtout lors d'étés particulièrement secs, la nappe de Beauce fait beaucoup parler d'elle. Et ce, tant à l'échelle nationale que départementale. Mais pourquoi? Que signifie l'appellation de « château d'eau » d'Eure-et-Loir qu'on ne cesse de lui donner ? Quelle importance représente-t-elle pour chacun de nous ?
La nappe de Beauce est en effet la plus grande nappe de France et d’Europe. « Véritable éponge » (1) naturelle, elle joue un rôle environnemental régulateur. Entité vivante et dynamique, elle se recharge grâce à l’infiltration des pluies hivernales et se vidange naturellement en alimentant :
L'eau ne reste donc pas dans la nappe, elle est en perpétuel mouvement. Cette régulation naturelle est extrêmement dépendante de la pluviométrie et du climat, la Beauce étant une région parmi celles les moins arrosées de France et les vents forts favorisant l'évapo-transpiration. Il faut savoir qu'en Beauce, s'il pleut annuellement 600 mm, seulement 120 mm environ sont disponibles pour l’infiltration et sont mobilisés pour alimenter naturellement les rivières ou les usages anthropiques.
En effet, la nappe de Beauce fait partie du quotidien des Euréliens. Cette nappe est la principale source des prélèvements en eau pour :
Notons cependant que l’eau potable prélevée dans le département, sur la nappe de Beauce, représente très peu, l’essentiel étant pour l’irrigation.
Cette alimentation à partir d'une nappe souterraine n'est cependant pas une particularité propre au département. En France, la majorité de l'eau potable distribuée est d'origine souterraine(2) : « 62% des volume pour l'alimentation en eau potable sont prélevés sur les eaux souterraines (…). La moitié des Français sont alimentés exclusivement par la nappe »(3).
L'essentiel de la ressource en eau issue de nappe de Beauce est exploitée pour un usage domestique et agricole. Les forages s'effectuent en moyenne à 50m ou 60m. La capacité moyenne de pompage d’un forage pour l’irrigation est de 140m³/ heure pour la nappe de Beauce.
En Eure-et-Loir, 159 communes dépendent de la nappe de Beauce, dont 60 pour l’eau potable. En effet, 97%, dont 6% sur la nappe de Beauce, de l'alimentation en eau potable se fait à partir des nappes souterraines, à l'exception d'un prélèvement sur l'Eure qui couvre 25% des besoins de la communauté d'agglomération de Chartres.
Autant dire dès lors que l'augmentation de la population dans le département (+ 5,2% entre 1990 et 1999), le développement de cultures d’été dispendieuses en eau (maïs, pommes de terre, légumes…) et l’introduction à grande échelle de l’irrigation printanière de cultures (céréales à pailles, pois…) sur des zones de grandes cultures (la Beauce représente le plus grand territoire régional consacré à l'agriculture intensive (4)) sont autant de facteurs qui ont un impact sur les prélèvements en eau de cette ressource naturelle. La répartition des prélèvements en eau de la nappe est d'ailleurs très parlante :
Cette répartition est similaire, à l’échelle de la nappe de Beauce entière, les six départements confondus :
Sur un an, l'irrigation représente un volume de 150 à 450 millions m³ d'eau prélevés, selon les conditions climatiques printanières et estivales; l'alimentation en eau potable représente quant à elle environ 80 millions de m³, et l'industrie environ 20 millions de m³.
20 milliards de m³ d'eau, ce chiffre impressionnant pourrait faire croire que la nappe de Beauce est inépuisable... En réalité, tout ce volume n’est pas mobilisable car une gestion équilibrée de la nappe doit permettre de conserver une alimentation naturelle des rivières avec des débits suffisants. Le développement remarquable de l'irrigation, ajouté à celui des usages domestiques et industriels conduit aujourd’hui plus rapidement à une situation critique que par le passé. Ainsi, le niveau de la nappe à Toury a baissé de 6m au cours d’une période sèche qui a duré 16 ans au début du 20e siècle, tandis que cette même baisse a été enregistrée en seulement 6 ans au début des années 90. Ceci s'explique tout simplement par des prélèvements plus importants (5).
Suite à la grande sécheresse du début des années 1990, ayant notamment provoqué en 1992 un assèchement exceptionnel et long de la Conie en aval de la Goure de Spoy, la gestion quantitative de la nappe de Beauce est au cœur des problématiques du département. Elle mobilise la vigilance des acteurs locaux par des actions ciblées, fruit d'une concertation collective des différents usagers.
La « Charte de la nappe de Beauce », appliquée de 1995 à 1998, a défini trois des seuils d'alerte pour le niveau de la nappe. Elle a donc déterminé les mesures d'interdiction d’irriguer (24h ou 48h par semaine) de manière homogène sur toute la nappe de Beauce en cas de franchissement des deux premiers seuils.
Ces premières mesures réglementaires ont été renforcées, en 1999, par un dispositif de régulation de volumes prélevés. Un volume d'eau est attribué à chaque irrigant. L’installation de compteurs est rapidement généralisée, pour connaître les volumes réellement prélevés. En région Centre, 3600 agriculteurs se partagent donc un volume total de 450 millions de m3 d'eau, lorsque le niveau de la nappe est supérieur au premier seuil. Ce volume se réduit de 10% puis de 20% si le niveau de la nappe franchit le premier seuil puis le second. Les mesures arrêtées doivent permettre de ne pas atteindre le troisième seuil.
Depuis 2000, le SAGE de la nappe de Beauce est en cours d’élaboration. Il déterminera prochainement, après une large concertation, les nouvelles modalités de la gestion quantitative de la nappe de Beauce. De nombreuses études ont été réalisées et une expérience s’est accumulée au fil des ans. Tous ces nouveaux éléments ont déjà permis de faire évoluer la gestion des prélèvements pour l’irrigation pour une meilleure satisfaction des besoins des milieux naturels.
Le DREAL Centre est le référent du suivi du niveau de la nappe de Beauce. Le BRGM et la CLE (Commission Locale de l’Eau) du SAGE de la nappe de Beauce sont les coordinateurs de ce suivi de la nappe de Beauce.
La nappe de Beauce est protégée par une couche géologique imperméable (on dit alors qu’elle est « captive ») sous la forêt d’Orléans sur 15% de son domaine (6). Ailleurs, elle est peu protégée et très vulnérable aux pollutions issues des activités agricoles, industrielles et domestiques. Les polluants migrent de la surface du sol jusqu'à la nappe où ils la contaminent. Les nappes souterraines sont cependant moins vulnérables que les eaux superficielles. Mais leur pollution se résorbe à plus long terme. La régénération de ces réserves en eau prenant plusieurs dizaines d’années.
Site Internet duSAGE Beauce
Ce dossier a été réalisé en étroite collaboration avec :
leConseil général d'Eure-et-Loir
(Services DAEER, CATER, SATESE, SATANC)
Claude GITTON
Chef du service eau et des milieux aquatiques de la Diren Centre